Kylian avait eu un mal fou à se lever ce matin, ce qui ne lui arrivait que rarement. Le bel homme avait beau faire la fête presque tous les soirs, il se réveillait tous les jours aux aurores avec une facilité étonnante, comme s’il lui suffisait que de quelques heures pour retrouver ses forces. La journée d’hier avait été des plus épuisantes. Le beau brun avait enchaîné de nombreuses interventions, tout plus – ou peu – ragoûtantes les unes des autres. A croire qu’il y a des personnes faites pour se fourrer dans des situations pas permises. Il n’était même plus très sûr de savoir comment il était arrivé jusqu’à sa chambre, à croire qu’un ange gardien l’y avait mené. Le voilà donc à grogner contre son réveil radio qui passait un morceau des ramones. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il serait resté au lit toute la matinée, mais il ne pouvait pas se le permettre. Il prenait son petit déjeuner avec Jack, un collègue du travail et il enchaînerait avec une matinée de travail à la caserne des pompiers. Contrairement à l’idée que la plupart des gens se faisaient de lui, Kylian n’était pas un loveur, un bad boy qui se servait de son métier pour mettre les jolies demoiselles dans son lit. Passionné, il s’investissait un maximum dans son travail et accomplissait toutes les tâches nécessaires à la survie d’une personne. Soigner, sauver, aider. Le jeune Delorme était fait pour ça. Il le savait et à présent, sa place est fixée. C’était d’ailleurs sa hargne au travail, son investissement qui lui avait permis de décrocher ce stage l’été dernier en France et Delorme n’avait qu’une envie ces derniers temps, retrouver ses amis pompiers français. Des gars incroyables ! Taillés comme des athlètes, un courage de lion et une volonté de fer. Leur savoir faire était aveuglant, et leur gentillesse sans égale. Oui, Kylian s’était éclaté chez les mangeurs de champignon et de paté. Depuis son retour, les interventions s’enchaînaient et son planning de sorties n’avait jamais été aussi chargé. Il était miraculeux qu’il réussisse à tout faire, même si à son humble avis, c’était juste épuisant. Le besoin de s’évader se faisait de plus sentir. Habillé d’un jean et d’un tee-shirt moulant blanc, il s’était pointé à la caserne en sifflotant, son sac contre son épaule. Il faut dire qu’il avait finalement mis plus d’une heure à se lever, puis avais pris un bain et avait… quelque peu zappé le petit déjeuner qu’il devait prendre avec son collègue pour essayer de se pointer au plus vite à l’endroit où il était censé bosser. Tout cet empressement pour rien, il aurait finalement pu manger avec Jack. Un brave type que cet homme là. Le premier qui était venu vers lui et qui l’avait mis à l’aise.

Se posant sur un fauteuil dans le petit salon chauffé de la caserne, là où tous les pompiers se retrouvaient le matin, il entendit son ventre gargouiller bruyamment. Il était plus que temps de manger quelque chose. Kylian laissa donc ses affaires sur place pour aller s’acheter un truc au distributeur. Craquant pour un paquet de madeleines, il les dévora rapidement et s’en retourna à sa place. La matinée se déroula sans le moindre incident, calme et quotidienne. Il en profita pour apporter quelques rangements à son casier qui débordait de bazar en tout genre. Bien le petit coin d’un homme ça. Et surtout du beau Delorme. Lui seul était capable d’être autant désordonné. Le début d’après-midi montrait le bout de son temps quand il termina sa petite besogne. Circulant dans le couloir, il tomba face à Jack l’air affairé, une trousse de secours à la main.

« Ah, les ennuis commencent ?
- Une jeune femme qui s’est tordue la cheville en se faisant bousculer par un vélo, rien de grave. » Kylian hocha la tête avec un léger sourire. C’était l’exemple même de l’accident typique, qui n’arrivait pas qu’une fois dans les enceintes.
« Très agréable brin de femme si tu veux mon avis Kyle !
- Pourquoi venant de toi ça ne m’étonne pas ?
- Tu peux me croire ! Blonde, très jolie, maladroite à souhait, des yeux sublimes. Tu crois que si je lui glisse mon numéro dans son bandage elle va y prêter attention ?
- Vu ton charme fou, je n’en doute pas une seule seconde ! »

La trousse de secours s’abatis sur lui avec deux éclats de rire. La complicité qui unissait les deux hommes était touchante, et les collègues ne manquaient jamais de les charrier à ce sujet. Toujours fourrés ensemble, ils paraissaient ne jamais vouloir se quitter. A tel point que les remarques fusées. « ‘Vont finir par se marier ces deux-là ! » « Hé, à quand les fiançailles ? » « Au fait, qui jouera le rôle de la femme ? » Bande de nazes. Conversant sur tout et rien, ils arrivèrent en vue du garage où étaient stockés les camions et voitures. Telle une fourmilière, les pompiers présents s’affairaient à leurs tâches, se hélant de temps à autre, riant la plus grande partie du temps. Sereins certes, mais le sérieux et le professionnalisme étaient présents lorsque la situation l’exigeait. Quoi de plus normal ? Le téléphone de son ami sonna, et Kylian retint son hilarité en voyant sa mine déconfite.

« Bordel, ma copine. Qu’est ce qu’elle me veut elle encore ?
- Allez répond à ta dulcinée, moi je m’occupe de la princesse en détresse.
- Pff, ça te profite toujours ce genre de situation hein. Le Kylian sauveur de ses dames, qui en un battement de cils les met dans son lit !
- Râles pas mon mignon, je lui donnerais ton numéro si tu y tiens ? »

Ils se quittèrent sur un sourire taquin, puis le jeune homme se dirigea vers une silhouette assise, curieux de voir à quoi ressembler la beauté inconnue de Jack. S’il savait à quoi cette curiosité le mènerait… Le pompier était loin de se douter de tomber sur elle de façon aussi… Improbable. Facile ? Quoiqu’il en soit sa masse musculaire se tendit, et les articulations de ses mains blanchirent. La joie se répandait en lui comme un poison violent, mais l’appréhension le clouait au sol. Calypso. Elle n’était en aucuns cas au courant de sa présence à Rome, et s’il voulut lui faire une surprise, ce n’était certainement pas de cette façon. Mais les dés étaient lancés, et il ne pouvait faire marche arrière à présent. Elle lui tournait le dos, ce qui soulagea quelque chose sa crainte. Etait-il possible qu’ils puissent, eux, ressentir un certain mal être, une gêne certaine en se voyant ? Et dire qu’ils s’étaient promis la complicité et l’unicité à vie… Les paroles sont parfois de bien étranges mots. Posant doucement la mallette à ses pieds, il se mordit la lèvre. Il tremblait. Fiévreux de pouvoir crier son bonheur de la retrouver, anxieux quand à ces retrouvailles inattendues.

« Calypso… »