Elle coupe la communication et laisse libre court à ses larmes, trop longtemps retenues. Prostrée dans le fauteuil où elle s’était installée quelques moments plus tôt, elle se demande comment les choses en sont arrivées là, comment ils font pour à chaque fois se faire autant de mal mais pour toujours finir par se tomber dans les bras lorsqu’ils se retrouvent. Elle ne comprend pas… Parfois elle se demande comment tout ça a bien pu arriver alors que leurs caractères respectifs sont si entiers, alors qu’ils sont tous deux si passionnés. Elle est en quête de vie, de sensations, alors que lui n’arrive pas à revenir dans le présent. Ils sont mus par deux courants contraires mais lorsqu’ils arrivent à se croiser, c’est la parfaite symbiose. Ils se comprennent souvent sans même se parler mais peuvent tout aussi bien ne pas entendre ce que l’autre a à dire.
Il est parti « chercher l’inspiration ». Il a quitté Rome pour quelques jours et il voulait qu’elle vienne avec lui. Mais contrairement à lui, elle ne peut pas tout quitter parce que le cœur lui en dit, il y a des obligations qu’elle ne peut pas simplement envoyer balader d’un revers de main, et ça il n’a pas pu le comprendre. Ou plutôt il n’a pas pu supporter qu’elle le lui rappelle. « Nathanaël tu n’es pas un cadeau.. » pense-t-elle.

Il fait encore jour dehors, mais déjà le soleil commence à décliner. Ce soir, Pavel n’est pas là, alors elle décide d’aller se changer les idées en ville. Ça ne lui pose pas de problème d’aller prendre un verre seule, elle l’a déjà fait plusieurs fois, et quelques fois il lui est arrivé de rencontrer des gens sur place. C’est aussi ça qui l’attire : sortir comme ça sans aucune idée en tête, juste aller quelque part et se laisser porter par le hasard des rencontres.

Une fois hors de chez elle, son sac sur l’épaule, elle marche, elle se laisse guider par ses pas, la destination importe peu. Son portable sonne mais elle décide de ne pas répondre. Tant pis, ce soir elle n’est pas joignable. Au fond d’elle, elle aimerait que ce soit lui qui la rappelle mais d’un autre côté, elle n’a pas envie de lui faciliter la tâche. Si c’est lui, et qui que ce soit d’ailleurs, il rappellera. Plongeant la main dans son sac, elle attrape son paquet de cigarettes et son briquet. Un léger vent se lève et vient s’inviter dans sa chevelure auburn, s’engouffrer partout. Elle respire à fond et décide de se lâcher les cheveux. La rue est éclairée par le soleil déclinant et tout semble là pour l’apaiser. Un bar se profile, peut-être est-ce là qu’elle échouera… Elle tire une dernière fois sur sa cigarette et se débarrasse du mégot. Elle a oublié de regarder comment s’appelle cet endroit mais il y a de la lumière et une musique plutôt entraînante. Il ne lui en faut pas plus pour entrer et prendre place à une table près de la fenêtre.